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1971. Voilà déjà 12 ans que la British Leyland vend sa Mini, à toutes les sauces, rustique (Mini 1000), sportive (Cooper S), chic (Clubman), break de chasse même ! (Countryman) indéboulonnable, quasiment sans concurrente. Oh, tout juste est-elle gênée par la Fiat 500 ou par l'Autobianchi A112, mais si peu. Elle semble se démoder, l'on commence déjà à réclamer de ci de là dans la presse spécialisée, une remplaçante plus moderne, notamment au niveau de la carrosserie et de la suspension arrière, raide comme un bout de bois... Pourtant, la BLMC semble vivoter sur ses succès acquis, tant elle se débat par ailleurs dans d'inextricables difficultés. Et c'est là que le jeudi 6 mai 1971, l'Auto-Journal croit pouvoir révéler en exclusivité LA BOMBE Renault ! "une ultra-mini, 4CV-3m", "la moins chère du marché", qu'il présente sous le matricule Renault 2. Le renouveau de la catégorie des ultra-courtes, qui connaît tant de succès au Japon, et à laquelle le journal croit tant, viendrait-il de notre Régie Nationale ? L'Histoire le démontra, il n'en fut rien... mais il n'empêche qu'il paraît bien intéressant, avec un recul de 36 ans, de se pencher sur cette auto que vous n'avez jamais pu voir...

Le projet R2 est en fait lancé par Renault dès 1968. Il s'agit d'une petite voiture, plus petite et urbaine qu'une R4 mais aussi plus moderne et attrayante. Le concept de la Renault 2 est à peu près arrêté vers 1970. Elle se présente comme une mini-voiture 2 portes, qui rappelle assez la R4 dans ses lignes, mais surtout la R6 (Projet 118), développée à la même époque.

A première vue, la Renault 2 n'apparaît pas comme une merveille d'élégance. A vrai dire, il semble difficile de dessiner une voiture qui soit à la fois gracieuse, courte et assez spacieuse pour abriter quatre personnes ; cette dernière condition impose une certaine hauteur à l'arrière si l'on veut que les passagers soient dispensés de contorsions. Dans ces conditions, le styliste peut s'en tenir au parallélépipède comme sur la Mini britannique ; il peut aussi chercher à donner à la caisse un certain caractère. La carrosserie de la R2 est courtaude et assez pataude, mais l'oeil s'y fera, croyons-nous, et finira par la trouver sympathique.

En considérant la voiture de profil; on est frappé par le fait que le dessin de l'arrière s'apparente à l'école japonaise : les nombreux petits véhicules nippons de 3m de long possèdent presque tous ce pan coupé à 45° entre le toit et l'arrière tronqué, à peu près vertical. Si l'on veut obtenir une longueur hors-tout minimale, il n'est pas question de se permettre la moindre protubérance, comme par exemple celle du coffre de l'Autobianchi A112, modèle qui "atteint" 3,23m, avec d'autre parti, un capot un peu long. Au contraire, l'avant de la R2 laisse apparaître de façon visible l'empreinte de Renault. Le capot lui-même rappelle un peu celui de la R8, tandis que le panneau de raccordement situé entre le capot et le pare-brise évoque la R12. La vitre avant s'apparente aussi à celle de ce modèle et contribue à donner à la moitié antérieure de la R2 une forme "en coin" caractéristique de la R12. On remarque l'importance de la surface vitrée et l'inclinaisn du grand pare-brise incurvé, qui différencient très nettement la R2 de la R4.

En revanche, à l'arrière se trouve un hayon qui descend très bas, jusqu'au plancher, comme celui de la R4. Cette disposition, qui facilite le chargement, confère à la R2 le même caractère utilitaire que les R4 et R6. A l'avant se trouvent deux phares ronds disposés dans un logement carré, ce qui leur donne un peu la même apparence que ceux de la Citroën Dyane. En revanche, les poignées de portes sont bien dans le style Renault.

Si la R2 est très courte, puisqu'elle se contente de 3,02 mètres, elle est d'autre part large, et même très large : 1,53 m. Afin de mieux situer ces deux dimensions, rappelons que la R4, de 3,67 m de long, a 1,485 m de large. La 2 CV Citroën a 1,48 m, la Dyane, 1,50m. Parmi les quatre-places très courtes, on relève 1,41m de large pour la Mini, 1,48 m pour l'A112, 1,295 m pour la Honda. Pour trouver une largeur comparable à celle de la R2, il faut monter jusqu'à la R6, qui offre 1,54m, mais avec 3,85 m de long ! Autre caractéristique à noter : si la R2 est plus large que la R4, elle est également moins haute : 1,41 m contre 1,55 m. Ces deux éléments contribuent à lui donner une silhouette plus assise, moins haut perchée que la R4, dont "l'altitude" notons-le, est intermédiaire entre celle de la 2CV Citroën (1,60m) et celle de la Dyane (1,50m). En cela, elle est l'ancêtre directe de la Twingo, qui était justement plus large et moins haute que la Clio.

Que trouvons-nous sous le capot de cette voiture ? Naturellement, le moteur actuel de la R4. La puissance fiscale de 4 CV, très populaire en France, représente un seuil qu'il est difficile de franchir avec un modèle résolument économique. Rappelons, par exemple, que les voitures de moins de 5 CV bénéficient d'un tarif spécial aux péages des autoroutes. Le constructeur décidant de s'en tenir à 4 CV, c'est-à-dire 750 cc, a sous la main un moteur éprouvé, construit à des millions d'exemplaires, connu dans toute l'Europe : celui de la R4. Cette mécanique ne pose aucun problème d'entretien ou de pièces détachées.

Evidemment, le moteur est placé non pas longitudinalement comme sur la R4, mais transversalement,, la boîte quatre vitesses étant diposée en bout. On sait qu'il existe à ce sujet deux techniques distinctes en matière de moteur transversal. L'une s'impose en Italie sur les Fiat et Autobianchi, en France sur les Simca 1100. Elle consiste à adopter une boîte séparée, placée de l'autre côté du volant moteur. cette boîte commande à son tour le différenciel placé à côté du moteur. Natuellement, l'encombrement dans le sens transversal de la voiture devient important, ce qui impose une voie large, bénéfique pour la tenue de route. L'avantage que présente cette formule réside dans le graissage distinct de la boite de vitesses et dans la réduction du nombre de pignons en prise entre le vilebrequin et l'arbre de sortie.

L'autre technique, adoptée par la British Leyland et par Peugeot sur ses 204 et 304, situe le moteur au-dessus de la boîte-pont, la pignonnerie de celle-ci baignant dans l'huile du moteur. On peut observer, d'autre part, que la R2 conserve, pour le radiateur, la position frontale classique, alors que la Mini britannique possède un radiateur latéral, ingénieusement placé.

En matière de suspension, on retrouve ici les barres de torsion qui donnent d'excellents résultats sur les R4, R6, R16. A cet égard, la R2 s'annonce plus agréable que la Mini d'outre-Manche, dont la suspension apparaît complètement dépassée. Toutefois nous croyons savoir que certains prototypes de R2 ont reçu à l'arrière un essieu rigide, solution de facilité adoptée sur la R12 qui, on le sait, est loin de procurer le moelleux de la R16, ou encore de la R4. Espérons que le constructeur ne cédera pas, cette fois encore, à la tentation et retiendra la solution la meilleure, dépourvue de toute sécheresse.

Les roues de la R2 ont un diamètre de 12 pouces ; elles sont donc plus petites que celles de la R4, mais beaucoup plus grandes que celles de la Mini, qui ne dépassent pas 10 pouces. Les quatre freins sont à tambour, comme sur la R4 ? On s'étonne de voir un modèle ingénieux renoncer aux disques à l'avant, que proposent désormais toutes les nouvelles voitures, quand elles ne disposent pas de quatre disques. Dans ce domaine, comme dans celui de la mécanique, la R2 recueille l'héritage de la R4. Le constructeur fera certainement valoir que ce modèle est léger, peu rapide et n'est pas destiné, en particulier, à couvrir de longues étapes en montagne. Tout de même...

L'aménagement intérieur se présente de façon originale et ingénieuse ; après une longue étude. Renault a recherché avant tout une formule pratique en adoptant des sièges individuels pliants et escamotables. De cette façon, le volume du petit coffre placé derrière les sièges arrière (il n'y a pas de banquette) peut être augmenté de plusieurs manières, comme le montrent clairement les schémas (ci-contre). Avec trois occupants, et un siège replié, le volume du coffre double ; il tripleavec deux occupants et les sièges arrière repliés. En conservant les deux sièges de gauche, on obtient une longue surface de chargement de quelque 1,70 m. Enfin, si le conducteur est seul, la surface utile est maximale.

La R4 roule à 112 km/h. Avec le même moteur, la R2 atteindra 115 km/h avec une consommation légèrement inférieure (meilleur profil, poids moins important). Elle doit être alors proposée en deux versions, l'une très simplifiée, avec sièges fixes, à 7500 F environ ; l'autre transformable et bien finie, à quelque 9000 F.

Mais la R2 ne sortira jamais. Le projet sera annulé, étant donné la préférence de la compagnie par la R5, et aussi parce qu'on considère que, sur le marché des véhicules à moteur d'alors, il n'existe pas d'espace pour une mini-voiture urbaine. Bien entendu, l'histoire allait donner tort à cette fausse idée, et malgré l'abandon du Projet X45 dix ans plus tard (pour des raisons cette fois économiques), le projet W60 puis X06 (future Twingo) allait prouver que ce concept était voué au succès... Tout en étant quand même plus longue, elle allait offrir par son architecture de petit monospace trois portes et sa grande modularité intérieure, un espace et une transformabilité dignes de cette R2 qui ne vit jamais le jour, même si épisodiquement l'on surprit encore quelques prototypes du côté de Lardy.

Devant une idée si brillante, l'on peut toutefois bien légitimement se demander, pourquoi cette auto ingénieuse et redoutable concurrente dans ce marché négligé en resta au stade du prototype. Les réponses tiennent probablement en deux explications. D'une part, peut-être le coût de production eût-il été trop élevé, étant donné la modestie du prix de vente prévu ? C'est l'une des possibilités. Mais gageons que la raison principale, tient plutôt dans la stratégie même de Renault et dans la naissance, en janvier 1972, de la Renault 5. Celle que les réclames d'époque présentaient comme Supercar, avec sa carrosserie moderne, ses teintes flashy et ses très pratiques hayon et boucliers indéformables, rencontra d'emblée un succès incroyable. Produit mode qu'elle était, elle se permettait même de s'afficher plus chère que ses concurrentes, et de se vendre mieux qu'elles malgré tout, tout en réutilisant nombre d'éléments éprouvés (et amortis !) auparavant sur la R4 ou même les Dauphine et R6. Elle était donc fort rentable...

Alors, pourquoi risquer le lancement d'une R2 qui lui ferait peut-être même concurrence, surtout à la version R5L de 4 CV ? C'est sans doute pourquoi l'on attendit son remplacement, pour fondre en un modèle l'héritage de la R5 et de celle qui aurait pu devenir la R2.


D'après le site "El Carro Colombiano" et le blog voilavoilavoila
L'article de cette page est essentiellement repris et adapté de textes de Gilles Guérithault et Jean Mistral.

(source : http://renaultconcepts.online.fr)

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